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Par Aissa HIRECHE Publié par L'Expression du 27/8/2014

Mardi 26 août 2014. Une information sur la bande passante d’Ennahar TV annonce que « Bouteflika met fin aux fonctions de ministre d’Etat de Belkhadem ». Une autre information la suit aussitôt « Belkhadem écarté définitivement du FLN et de toutes ses structures ». Mais si le président de la République a toute latitude d’évincer un ministre d’Etat, il est fort douteux qu’il ait les mêmes prérogatives quant à écarter un militant de son parti surtout lorsqu’il s’agit d’un ancien secrétaire général de ce parti qui est, faut-il le rappeler, le plus vieux et le plus grand parti du pays. Faut-il donc chercher l’erreur. Mais non, car tout simplement, il n’y a pas d’erreur.

L’éloignement de Belkhadem du ministère d’Etat était, d’un côté, prévu et même annoncé par certains médias qui prévoyaient, depuis quelque temps déjà, son départ de ce poste pour cette fin de mois. Quant à ce qui ressemble à son éviction du FLN, elle est à considérer autrement. Retour en arrière. Samedi 9 novembre 2003. La campagne électorale pour la présidence 2014, n’avait pas encore commencé officiellement, mais sur le terrain, elle battait son plein. Le tout nouveau secrétaire général du FLN tient une réunion de travail avec les mouhafedhs à Hydra. Et c’est aussi pour lui une belle occasion pour se laisser aller à quelques prophéties.

La première prophétie de Saâdani s’était réalisée

La première de ces prophéties à laquelle il s’était donné est que « Abdelaziz Bouteflika sera le prochain président de la République ». Six mois après, nous avons eu le loisir de voir se réaliser cette première prophétie (tiens donc !). La seconde prophétie de Saâdani à l’occasion de cette réunion du 9 novembre 2013 était que son prédécesseur à la tête du FLN : « Abdelaziz Belkhadem sera le viceprésident. » (voir L’Expression du 10 novembre 2013). Et si la première prophétie s’était réalisée, qu’est-ce qui empêcherait la seconde de l’être aussi ? En principe rien, du moment qu’elles étaient, toutes deux, du fait du même homme. Sauf que, entre-temps, l’ex-secrétaire général du FLN a beaucoup bougé et a beaucoup parlé. Or, comme le souligne si bien la sagesse populaire, « qui parle trop finit un jour par se tromper et qui bouge trop finit bien par tomber ». L’obsession de Belkhadem quant à un retour à la tête du FLN n’est un secret pour personne. En effet, depuis qu’il a été débarqué du socle du secrétariat général du FLN, Belkhadem n’a jamais cessé de manigancer pour y remonter. Il ne se passe pratiquement plus un jour sans que l’on nous rapporte une confidence de Belkhadem faite par-ci, une manoeoeuvre qu’il aurait tentée par-là, une réunion tenue ici, une rencontre nocturne organisée là-bas et, au gré de ces rencontres, les attentes de l’hommes ont souvent été rapportées par la presse. C’est ainsi que, soit directement, soit à travers ses proches, il n’a jamais cessé de faire pression sur l’actuelle équipe dirigeante du FLN. Et, tout récemment, il avait même émis le voeoeu à ce qu’une élection à bulletin secret soit organisée « pour élire le nouveau dirigeant du parti ».

Lors d’un entretien accordé dernièrement à El Bilad TV, Belkhadem n’a pas manqué de revenir sur la réunion du mois de juin dernier « qui avait rassemblé le président de la République, son directeur de cabinet, Ahmed Ouyahia, le général Toufik, patron de la DRS, et lui-même ». Et l’ex-patron du FLN d’affirmer alors que « Bouteflika aurait ordonné d’ inscrire au menu de la session du comité central du 24 juin un nouveau point ayant trait à l’élection d’un nouveau secrétaire général du FLN ». Ceci, souligne, à juste titre, Nadia Benakli : « Abdelaziz Belkhadem le crie haut et fort, son successeur Amar Saâdani fait un démenti catégorique» (L’Expression du 6 Août 2014). Beaucoup d’observateurs n’ont pas hésité d’ailleurs à souligner chez Belkhadem une envie mordante de retrouver le fauteuil de chef du FLN et de le lier à un désir dévorant de l’homme, celui d’escalader, un jour, les marches d’El Mouradia. Dans une démocratie, ce n’est certes pas un tort de vouloir rêver à de telles choses, mais la manière de faire ce rêve compte aussi et pour beaucoup.

La seconde prophétie est-elle invalidée ?

Or, lorsqu’on est conseiller à la présidence, ministre d’Etat, ex-président de l’APN, ex-chef de gouvernement, ex-ministre des Affaires étrangères et ex-secrétaire général du FLN, la moindre des choses, c’est de savoir où situer ses limites, autrement dit savoir se conformer à l’obligation de réserve, surtout lorsqu’il s’agit de rapporter des propos prononcés dans un cercle restreint par le président de la République. C’est le premier palier de ce qu’on appelle culture de l’Etat. Mais Belkhadem, certainement subjugué par l’idée qu’il pourrait ainsi revenir aux commandes du FLN pour gravir les marches de son vieux rêve, n’avait que faire de l’obligation de réserve. Ce déversement de propos privés du président de la République sur la place publique avait certainement constitué une raison chez Bouteflika pour débarquer Belkhadem des postes qu’il occupait jusque-là. Et d’un !

Par ailleurs, et là aussi il s’agit des tout premiers balbutiements d’un homme politique, lorsqu’on est officiellement à un poste au pouvoir, on ne peut pas prendre part, en même temps, aux rencontres de l’opposition lorsque celle-ci oeoeuvre contre ce pouvoir. Chacun est libre d’aller où il veut, il faut cependant assumer son choix. Mais s’asseoir entre deux chaises n’a jamais été la position indiquée, surtout pour les politiques. Or, il semblerait que Belkhadem ait pris part, ces derniers temps, à des rencontres de la Coordination pour les libertés et la transition démocratique. Et cela n’a certainement pas été du goût de Bouteflika qui aurait alors été conforté dans sa décision de se passer des services de quelqu’un qu’il avait, bon an, mal an, protégé tout de même. Et de deux !

Le fait qu’il l’ait repêché après son éviction du FLN pour en faire un ministre d’Etat et un conseiller à la Présidence aurait dû le faire réfléchir plus d’une fois avant de tout faire pour mêler le nom du président à la guerre qu’il menait ouvertement contre Saâdani. Encore une fois, Belkhadem a fait preuve de manquement à la culture de l’Etat, il n’a pas su s’en tenir à ses limites et il a fini par… tomber de si haut. Pour ce qui est de sa relation avec le parti FLN, il y a tout à parier que la comission de discipline siègera sur son cas et sa radiation, annoncée, paraît très probable.

Au réveil, il regrettera sans doute d’avoir trop parlé, d’avoir trop bougé, mais qui sait, ne serait-il pas le seul responsable de la non-réalisation de la seconde prophétie de Saâdani ? Nul ne le saura jamais ! Tout ce qu’on pourrait imaginer, à chaud, c’est que la chute devrait être assez forte pour que Belkhadem se fasse oublier pour longtemps. Pour l’instant, c’est le terminus et il descend. A. H.

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