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Par Aissa Hirèche Publié dans L'Expression le 02 - 03 - 2014

~~Est-ce une forte confiance en soi qui le pousse à y aller? Benflis n'a pas connu d'activité politique depuis dix ans, la campagne qui s'ouvrira dans quelques jours constitue pour lui une occasion de revenir sur le terrain. La candidature de Bouteflika à la prochaine présidentielle a perturbé la donne pour certains. Deux candidats «poids lourds» étaient en vue pour cette élection. L'un, Hamrouche, a préféré ne pas continuer alors que l'autre, Benflis, préfère aller jusqu'au bout. Il s'agit certes, de choix personnels qui ne peuvent qu'être respectés aussi bien pour l'un que pour l'autre. Néanmoins, il est tentant pour nous d'essayer de comprendre pourquoi Benflis persiste à mener la campagne pour une élection qui, en apparence, ne lui sera pas facile.

Quel suicide politique?

Dès qu'ils ont appris la nouvelle, certains, qui se sont aussitôt remémoré les résultats du scrutin de 2004, n'ont pas manqué de conclure à un suicide politique! «Benflis court à sa perte», ont-ils dit. Les conséquences de l'élection de 2004 ne sont pas difficiles à imaginer et il est clair que l'homme a dû mettre du temps pour recoller les morceaux d'une ambition somme toute légitime. Si, après cela, il accepte de croiser le fer, électoralement parlant, avec son adversaire de 2004, c'est que quelque chose a dû le pousser à le faire. Est-ce un désir de vengeance que le candidat Benflis ne peut plus contenir à l'égard de celui qui avait remporté la course en 2004? Est-ce parce qu'il s'est engagé devant les citoyens, il y a deux mois à peine, à mener la campagne avec ou sans candidature de Bouteflika qu'il ne peut plus se retirer? Est-ce une forte confiance en soi qui le pousse à y aller même si ses chances semblent réduites ou bien alors est-ce cette fierté «chaouie» qui l'empêche de renoncer? Parce qu'on ne va pas à des présidentielles par vengeance et parce qu'on n'y va pas par fierté non plus, les raisons seraient à chercher plutôt du côté des principes, de la stratégie et des calculs d'homme politique. Cette capacité à se relever de l'échec pour revenir chercher le défi, c'est ce qu'on appelle la résilience. De nos jours, nombreuses sont les entreprises qui préfèrent recruter ceux qui ont connu les échecs puis se sont relevés que ceux qui n'ont connu que des succès car la résilience est un facteur qui témoigne d'une profonde motivation et d'une capacité aux challenges. Il ne fait pas de doute que, dans le cas précis de Benflis, il s'agit d'une forte résilience et cela ne peut être interprété autrement que par une grande motivation de l'homme. D'un côté, Benflis est motivé pour remporter la compétition 2014 mais, d'un autre côté, il sait en son for intérieur combien il lui sera difficile de battre le président sortant. Ceci a tout l'air d'un dilemme. En réalité, et il l'a répété lors de son passage télévisé, Benflis refuse de concevoir une élection perdue d'avance. L'idée même d'élection fermée, il ne veut pas l'accepter et il l'avait bien déclaré: «Je me dois d'aller casser les chaînes qui maintiennent l'élection fermée!». Vu sous cet angle, le dilemme prend plutôt les contours d'une cohérence et le refus de renoncer devient plutôt un choix de concourir.

A vrai dire, dans la vie, il y a des choses simples et des choses compliquées. La course au fauteuil d'El Mouradia n'est pas aisée, tout le monde en convient. Benflis le sait. Seulement, ce qu'il ne veut ni admettre ni même concevoir c'est qu'il lui soit impossible de gagner! En politique, rien n'est impossible semble-t-il dire.

Positionnement immédiat et futur

En réalité, tout n'est pas encore joué. Bouteflika ne s'étant pas prononcé lui-même, il subsiste encore des chances (des plus menues) qu'il renonce au 4e mandat. Par ailleurs, on peut envisager l'hypothèse d'élections honnêtes dans lesquelles le président sortant ne serait pas reconduit. Une manière comme une autre de se retirer et de laisser la place à un nouvel élu. Cette hypothèse est tout aussi improbable que la première, mais cela demeure toujours du domaine de l'éventuel. Dans ces deux cas, Benflis aurait eu raison de ne pas abandonner. Mais en écartant ces spéculations, il subsiste d'autres raisons, plus valables encore, pour que l'ex- chef de gouvernement persévère pour cette élection d'avril.

La première raison c'est que rester en course signifie se positionner pour le présent. Benflis n'a pas connu d'activité politique depuis dix ans, la campagne qui s'ouvrira dans quelques jours constitue pour lui une occasion de revenir sur le terrain. Un économiste vous dira qu'il a fait son «analyse coût-bénéfice», autrement dit, même en cas de non-victoire, ce que la campagne électorale pourrait lui rapporter sur plusieurs plans saurait largement compenser. Les passages à la télévision, les meetings, les rassemblements, les alliances éventuelles à tisser, les rencontres avec certaines personnalités, etc. représentent des opportunités qui valent énormément pour un homme qui veut devenir président d'un pays. C'est un investissement de poids et, comme tout investissement, il a des coûts qui devraient être supportés, surtout lorsqu'ils sont incompressibles. Cette campagne qui ne tardera pas à s'ouvrir offre donc une occasion inespérée à Benflis pour se positionner dans l'immédiat d'abord, dans le présent. Elle servira à ce candidat pour se montrer dans une stature de challenger surtout qu'il est le seul poids lourd en course après le refus de Hamrouche d'y prendre part. Mais pas seulement car, en réalité, le véritable positionnement se fait par rapport à l'avenir. En effet, la candidature de Benflis aujourd'hui est un véritable positionnement pour l'après-élection d'avril. Quelle que soit l'issue de cette élection, elle aura permis à Benflis de se positionner pour la suite. Cette suite commence au matin du 18 avril. S'il se confirme que la base du FLN ne lui est pas favorable, et qu'il ne pourra pas y compter à l'avenir, il lui serait peut-être possible de créer son propre parti à partir des électeurs qu'il aurait gagnés. De toute façon, après cette compétition électorale, Benflis veut ne plus être absent du champ politique national et c'est, probablement, pour ces raisons qu'il persiste à rester dans la course.

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